Démocratisons !

Définition : Démocratie

Exercice périlleux que de définir ce qu’est une démocratie. Le sens de ce mot a bien évolué au fil du temps. Notez tout de même que je distingue « démocratie » de « démocratique ». Pour moi, le premier a une forme d’absoluité, tandis que le second exprime surtout une nuance sur un spectre de démocratie, allant de 0 à 100% (bien qu’il ne me semble pas raisonnable de tenter de mesurer un tel degré).

Dans le préambule de ce manifeste, je rappelais que lors de l’Assemblée Nationale Constituante de 1789–1791, la République a été pensée comme un système représentatif par opposition à un système démocratique, en m’appuyant sur le discours de Joseph-Emmanuel Sieyès, un des pères fondateurs de la République française, prononcé le 7 septembre 1789 :

les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes immédiatement la loi : donc ils n’ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir leur appartiennent sur la personne de leurs mandataires ; mais c’est tout. S’ils dictaient des volontés, ce ne serait plus cet état représentatif ; ce serait un état démocratique1

Selon Sieyès, un État représentatif n’est pas un État démocratique. Aujourd’hui, on qualifie de démocratique un système dans lequel les citoyens peuvent s’exprimer, quitte à évaluer au doigt mouillé le degré de démocratie du pays.

J’ai bien conscience qu’il n’est, en pratique, pas possible de solliciter l’avis de tous les citoyens, pour toutes les décisions politiques, chaque jour. Cependant, certains critères me semblent importants pour garantir un régime sinon totalement démocratique, au moins plus démocratique qu’un système purement représentatif.

Dans une démocratie, le pouvoir émane du peuple. Personne ne remet en question ce principe. Mais tout le monde ne s’accorde pas sur la manière dont on le met en pratique.

Tout d’abord, le fait d’élire des représentants n’est pas nécessairement un obstacle à la démocratie, à la condition que les citoyens aient un réel pouvoir sur eux, par exemple en leur permettant de révoquer des élus : le mandat impératif le permettrait, s’il n’était pas expressément interdit par la Constitution (Article 27 alinéa 1) – on reviendra sur le mandat impératif quand on définira le « mandat ».

Ensuite, les politiciens martèlent régulièrement que « ce n’est pas la rue qui gouverne », quitte à dire (et sans trembler des genoux), que « la démocratie, ce n’est pas la rue ». Pourtant, la démocratie, c’est l’exercice du pouvoir par le peuple. Et dans la rue, c’est bien le peuple qu’on trouve. En réalité, ce qu’il faudrait dire, c’est : « le système représentatif, ce n’est pas la rue ». Mais comme le terme « démocratie » est utilisé n’importe comment…

Si les citoyens étaient davantage écoutés (par exemple, au hasard, si leur avis était réellement pris en compte lors d’un référendum), davantage sollicités, davantage acteurs des décisions politiques nationales, il y a fort à parier qu’il y aurait beaucoup moins de mouvements contestataires (dans la rue).

Pour moi, un des principes fondamentaux d’une démocratie, puisqu’il n’est pas possible d’organiser des votes tous les jours, sur tous les sujets, c’est l’égalité politique. C’est-à-dire les mêmes chances pour tous les citoyens de pouvoir participer aux décisions politiques. On nous parle d’égalité des chances à l’école ou dans l’emploi, mais pour ce qui est de la politique, c’est une autre histoire.

Si on trouve certains députés issus de ce qu’on appelle « la société civile » (comme si les politiciens n’en faisaient pas partie), ils sont en réalité très peu nombreux, et encore moins quand on examine d’un peu plus près leur discours narratif (on reviendra sur cette question quand on parlera de la professionnalisation de la politique) : l’agriculteur qui est en fait patron d’une multinationale agricole (loin de l’idée qu’on se fait de l’agriculteur d’un petit village, ou du maraîcher qu’on rencontre sur le marché), l’avocat qui n’a jamais exercé si ce n’est pour un parti politique, etc.

La réalité, c’est que pour être élu député, il faut de préférence avoir fait carrière dans la politique, avoir gravi les échelons d’un parti ou gravité autour. Pour être élu président, c’est plus facile quand on a déjà une certaine notoriété politique, ou des amis qui disposent de fonds pour financer votre campagne. Ce ne sont pas des fonctions qui sont accessibles à tous, même si sur le papier, rien n’interdit un bénéficiaire du RSA de se présenter à des élections.

L’égalité politique, c’est l’égalité des chances en politique. Et il y a des moyens pour l’assurer, comme on le verra dans la deuxième partie de ce manifeste.